Lors d'une grande conférence de presse tenue en février 1965, Charles De Gaulle a exprimé sa pensée au sujet du rôle international de l'or.

De Gaulle excellait dans ces conférences de presse magistrales. Mais en plus de la forme, il y a bien sûr le fond, la pensée politique. Il est très intéressant d'analyser cette pensée et ce discours dans le contexte de crise monétaire et financière actuel.

Mais d'abord voici l'extrait de cette conférence de presse.

De Gaulle et l'or

Voici, retrancrit ci-dessous, le texte du discours de De Gaulle :
 

"Le fait que beaucoup d'Etats acceptent par principe des dollars au même titre que de l'or pour les règlements des différences qui existent à leur profit dans la balance des paiements américaine, ce fait entraîne les américains à s'endetter, et à s'endetter gratuitement vis-à-vis de l'étranger, car ce qu'ils lui doivent ils le lui payent, tout au moins en partie, avec des dollars qu'il ne tient qu'à eux d'émettre.
 
Etant donné les conséquences que pourrait avoir une crise qui surviendrait dans un pareil domaine, nous pensons qu'il faut prendre à temps les moyens de l'éviter. Nous estimons nécessaire que les échanges internationaux soient établis comme c'était le cas avant les grands malheurs du monde, sur une base monétaire indiscutable et qui ne porte la marque d'aucun pays en particulier.

Quelle base ? En vérité on ne voit pas qu'il puisse y avoir réellement de critère, d'étalon, autre que l'or."

Contexte historique du discours de De Gaulle

Ce discours a été prononcé dans le contexte de la crise du dollar en février 1965. Le problème est clairement exprimé par De Gaulle : l'Amérique paye ce qu'elle doit aux autres Nations en dollars, à crédit, sur aucune base tangible. Pour qualifier le dollar, De Gaulle a employé l'expression de "privilège exorbitant de l'Amérique".
 
Le dollar est en effet devenu après 1945 la monnaie de réserve internationale, l'étalon des échanges. Le dollar est resté convertible en or jusqu'en 1971, date à laquelle sa convertibilité a été suspendue par le président des Etats-Unis Richard Nixon, en raison de la baisse rapide des stocks d'or américains.

La nature profonde du problème : les déséquilibres commerciaux entre les Nations

Le problème de fond, en 1965 comme aujourd'hui, ce n'est pas la monnaie, mais les échanges internationaux et leurs déséquilibres. Dès 1965, De Gaulle le dit bien : les américains s'endettent "gratuitement" grâce au dollar dont ils contrôlent les émissions pour payer leurs dettes internationales. La question de la dette de l'Amérique vis-à-vis des autres Nation n'a pas cessé de s'aggraver depuis 1965. Des quantités phénoménales de monnaie ont été créés (il s'agit principalement de monnaie fiduciaire détachée de toute référence à la monnaie physique). Depuis les années 60-70, l'Amérique a continué à s'endetter massivement pour soutenir une consommation effrénée, alimentée par des produits d'importation. Les importations ont sapé les bases économiques et industrielles de la puissance américaine. Des bulles financières colossales ont été créées.

Aujourd'hui, l'Amérique fait face à sa dette. Mais le problème n'est pas seulement américain dans la mesure où la consommation des américains a longtemps été un des principaux moteurs de la croissance mondiale. Et qui dit dette dit créancier et débiteur : l'Amérique est débitrice vis-à-vis du reste de la planète. Sa faillite pourrait bien entraîner avec elle ses créditeurs (l'Europe, le Japon et la Chine).

Le problème, on le voit, n'est pas seulement monétaire, et ne pourra se résoudre avec des expédients monétaires. Le problème, c'est le déséquilibre économique et commercial entre les Nations.

Les conceptions monétaires de De Gaulle : la monnaie fondée sur une base physique tangible, l'or


Lorsqu'il affirme que les américains peuvent émettre des dollars comme bon leur semble, De Gaulle pense probablement à la planche à billets, c'est-à-dire à la monnaie physique. Il ne prend pas en compte semble-t-il l'essentiel de la création monétaire, qui est le fait des banques, par le biais du crédit. De Gaulle avait des conceptions très traditionnelles au sujet de la monnaie; il pensait que la monnaie devait être fondée sur un étalon indiscutable, et l'étalon qu'il avait en tête c'était bien sûr l'or. Il souhaite un retour à l'étalon or, qui n'est l'instrument politique d'aucun pays en particulier. Les "grands malheurs" qu'il évoque sont bien sûr les deux guerres mondiales, qui ont provoqué le remplacement de l'étalon or par "l'étalon dollar".

Le voeu de De Gaulle ne s'est pas réalisé et n'était pas possible

Le voeu de De Gaulle, un retour à l'étalon or, ne s'est pas réalisé. Le dollar est resté, plus que jamais, l'étalon monétaire de la planète. La dette américaine s'est creusée, pour en arriver à la situation actuelle. Le retour à l'étalon or n'était pas possible, l'histoire l'a montré. Il n'était pas souhaitable, car le stock d'or ne représente qu'une infime partie de la masse monétaire mondiale et aurait constitué un frein monétaire à la croissance mondiale et un facteur de tensions politiques. Un système monétaire fondé sur des monnaies complètement fiduciaires, ce qui est le cas actuellement, est le meilleur système monétaire possible. Mais la monnaie n'est jamais qu'un instrument politique aux mains des Nations et on voit aujourd'hui où mène l'irresponsabilité politique de l'Amérique. Ceci dit, les responsabilités sont partagées par les autres Nations qui ont joué le jeu de la dette américaine.

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