A Rome, l'unité monétaire de l'or s'appelait « nummus aureus », ou « denarius aureus », et plus couramment « aureus »; enfin, à partir de Constantin, « solidus aureus » ou simplement « solidus ».
Cette deuxième monnaie d'or est moins exceptionnelle que la première par son type mais reste très intéressante. Monnaie anonyme frappée en 211-208 avant JC. 60 As (3.36 grammes). Photo CNG
Ce terme de « denarius aureus » demeura, en Orient, le nom populaire le plus en usage pour désigner la pièce d'or romaine; il persista jusque sous l'empire Byzantin et de là vient que chez les Arabes, le nom de dinar (de denarius) fut spécialement réservé à leurs monnaies d'or aussitôt que les khalifes en firent frapper.
Quoi qu'il en soit, à Rome et chez les auteurs latins, le nom plus court d'aureus est celui qui est ordinairement employé.
Les pièces d'or émises depuis Sylla jusqu'à Auguste ne portent pas d'indication de leur valeur; elles sont de poids très inégal ; l'aureus le plus lourd de Sylla pèse 10 grammes 95 (1/30° de livre); celui de Pompée 9 grammes (1/36° de livre); celui de Jules César 8,18 grammes (1/40° de la livre); celui d'Auguste 7,8 grammes (1/42° de la livre); celui de Néron 7,6 grammes environ; bientôt, il tombe à 7,40 grammes et sous Marc Aurèle à 7,25 grammes.
En 215, Caracalla fit descendre le poids de la pièce d'or à 6 grammes 55 ou 1/50° de livre. Durant un siècle à partir de cette date, le poids de l'aureus fut très irrégulier, montant parfois, comme sous Postume, jusqu'à 7 grammes, ou descendant, sous Trébonien Galle et Volusien à 3,4 grammes, sans que le métal fût jamais altéré.
Parfois, comme chez les Grecs, on donna à certaines espèces monétaires le nom des personnages qui en inaugurèrent la frappe. C'est ainsi que les monnaies d'or et d'argent de Sylla furent frappées en 87 avant JC par les soins de son questeur L. Licinius Lucullus, étaient populaires, nous dit Plutarque, sous le nom de « monnaies luculliennes » (Plutarque, Lucullus, 2).
L'aureus de Caracalla de 50 à la livre, dont nous venons de parler, reçut le nom d'aureus antoninianus.
On a de même l'aureus Valerianus sous Valérien père; mais ce nom donné à cette monnaie par le pseudo Trebellius Pollion dans l'Histoire Auguste, est fortement sujet à caution (cf. Histoire Auguste, Claud., 17). Le même auteur évoque le « triens Saloninianus ».
Au IIIème siècle, le nom de « philippeus » ou « philippus » était un terme ordinaire pour désigner la monnaie courante en or, en argent ou en bronze. Cette expression, qui remontait jusqu'aux monnaies de Philippe de Macédoine, père d'Alexandre, était particulièrement en vogue à Rome sous les règnes des deux empereurs du nom de Philippe.
L'aureus fut, d'une manière générale, la seule monnaie d'or romaine frappée régulièrement et sans interruption pendant toute la durée de l'empire. Les multiples et les divisions de l'aureus n'ont pas ce caractère de permanence, et quelques-uns d'entre eux n'ont même eu qu'une existence tout à fait passagère.
Le quinaire d'or
La moitié de l'aureus fut le quinaire d'or, « quinarius aureus ». On le trouve dès le temps de Jules César; il se rencontre ensuite, toujours rare, sous Auguste; puis sous la plupart des Empereurs.
Irrégularités du poids des monnaies d'or au IIIème siècle
Au surplus, l'irrégularité du poids de l'aureus à cette époque entraîna la frappe de pièces divisionnaires, de poids non moins irrégulier, si bien que c'est par approximation seulement qu'on peut donner le nom de triens ou tremissis aux pièces d'or variant de 2,38 grammes à 1 grammes; celui de double tirens (2/3 d'aureus) à des pièces dont le poids flotte entre 4,76 et 3 grammes.
Les poids des monnaies d'or Aurélien qui, pourtant, fut un réformateur de la monnaie, se répartissent, sans lacune notable, entre 9 grammes et 3,5 grammes.
On ne saurait démontrer avec plus d'évidence que les divisions théoriques de l'aureus n'étaient observées dans la pratique que d'une manière approximative pour chaque atelier ou pour chaque émission. Les pièces d'or n'étaient plus que des lingots dont les types, c'est à dire l'estampille officielle, garantissaient l'aloi, mais non le poids.
Les multiples des monnaies d'or romaines
Les multiples de la pièce d'or étalon sont nombreux et varient suivant les époques. Auguste fit frapper des « quaterniones », c'est à dire des quadruples de l'aureus. Le musée de Naples, du moins, en conserve le seul spécimen que l'on connaisse, frappé en l'an 5 de l'ère chrétienne; il a été trouvé à Herculanum en 1759 et pèse 33, 41 grammes. Il existait aussi au Cabinet des Médailles, avant le vol de 1831, un quaternio d'or de Domitien, au type de Pallas Promachos debout sur une colonne rostrale. Ce médaillon, que l'on ne connaît plus que par des moulages et d'anciens dessins, avait été frappé en l'an 88 de notre ère.
Exemple de médaillon d'or frappé par Claude II à Milan vers 268 après JC. Diamètre : 38 mm. 39,19 grammes. Valeur 7,5 aurei. Photo : Dmitry Markov Coins & Medals
Elagabale fit frapper des multiples de 2, 4, 10 et 100 aurei, selon Lampride (Histoire Auguste) : il s'agit de pures inventions, et aucune de ces énormes monnaies n'a jamais été retrouvée.
Sous Gallien, on a des médaillons d'or qui, par leur poids, peuvent être dénommés biniones, terniones, quaterniones. Un médaillon du Musée Britannique, à la légende PAX AVG, qui pèse 30,50 grammes, paraît représenter cinq fois l'unité; un autre, du musée de Monaco, pèse 22,6 grammes et peut être un quaternio. Celui de la collection du Chastel, au Cabinet des médailles de Bruxelles, qui pèse 14,70 grammes, est-il un ternio ? Les poids des pièces d'or sont tellement irréguliers, que ce même règne de Gallien nous offre des pièces de 13,70 grammes; 13,50 grammes, 13,25 grammes, 1 »,15 grammes, qu'on doit ranger sans doute parmi les biniones. Mais l'incertitude que nous avons constatée plus haut pour le poids de l'aureus empêche de préciser la taille des multiples.
Les réformes monétaires de Dioclétien
Dioclétien et ses associés paraissent avoir voulu donner plus de fixité à la taille de la monnaie d'or. Ils créèrent un aureus à fort relief, de flan plus épais et de module plus petit que les aurei précédents. Le poids normal de cette pièce fut de 1/60° de livre ou 5,45 grammes. On a de nombreux aurei dont le poids effectif gravite autour de cet étalon; parmi ceux qui sortent des ateliers d'Antioche, de Nicomédie, de Thessalonique et de Serdica, il en est qui ont, au revers une marque spéciale (une forme de Ξ = 60), marque de la taille nouvelle, comme l'a observé A. Missong. L'atelier d'Antioche émit aussi, exceptionnellement au seul nom de Dioclétien, des aurei avec la marque de valeur 0 ( = 70), qui dénote une taille théorique de 70 à la livre, donnant le poids de 4,68 grammes.
Exemple d'aureus de Dioclétien. Diamètre =20 mm. Atelier de Cyzique 294-295, 5.47 grammes. (Référence : RIC 2). Photo Numismatica Ars Classica
Malgré ces indications qui sont évidemment le résultat de mesures administratives ayant pour but de régulariser la frappe de l'aureus, le poids de cette pièce resta toujours très flottant, variant de 5,60 grammes environ à 4,86 grammes, mais étant le plus souvent au-dessous du poids normal de 5,45 grammes. Dans les ateliers, on se préoccupait uniquement de tailler, dans un lingot d'une livre d'or, le nombre de pièces prescrit par la loi, sans viser à ce que toutes les pièces fussent de poids parfaitement semblable. Ce qui prouve que l'aureus n'était reçu qu'à l'aide de la balance dans les transactions commerciales, c'est qu'il n'a jamais été rogné par les agioteurs, bien que les bords en fussent souvent irréguliers et eussent des bavures de frappe qui étonneraient singulièrement dans le monnayage moderne.
En 343, Constant fit frapper encore un aureus de 1/60° de livre qui pèse 5,46 grammes et porte à l'exergue du revers le chiffre LX.
Les médaillons d'or de l'époque de la tétrarchie sont souvent des multiples exacts de l'aureus de 1/60° de livre. Par exemple, deux médaillons d'or de Dioclétien pèsent respectivement 13,08 et 13,10 grammes, s'approchant ainsi du poids normal de 13,64 grammes, qui en fait des 1/24° de livre ou des pièces de 2 aurei et demi. D'autres plus grands se rapprochent du poids de 54,57 grammes, qui enfait des 1/6° de livre ou des pièces de 10 aurei.
La création du Solidus par Constantin
Constantin, probablement en 312, fixa l'aureus à 1/72° de la livre ou 4,55 grammes et réussit à mettre plus de régularité dans la frappe. Le nom de « solidus aureus », ou plus simplement de « solidus », qu'il donna à la nouvelle monnaie d'or étalon était déjà auparavant appliqué à l'unité monétaire ou pondérale : c'est ainsi qu'en 146 après JC. Volusius Maecianus dit « Prima divisio SOLIDI id est librae, quod as vocatur » (cf. Vol. Maecianus, Distrib. I, dans Hultsch, Script. t. II, p.61). Il servait aussi parfois à qualifier l'aureus pour indiquer le poids était complet, c'est à dire conforme au taux normal et l'aloi excellent. C'est dans ce sens qu'Apulée, dès la fin du Iième siècle, parle de « centum aurei solidi » (Apulée, Métamorphoses, X, 9).
La pièce d'or créée par constantin se maintint jusqu'à la fin de l'empire Byzantin; comme elle était le 1/72° de la livre pondérale, les premiers exemplaires qui inauguraient la réforme portent, dans le champ du revers, le chiffre romain LXXII qui indique leur valeur.
En 325, le solidus est donné comme l'équivalent de 4 scrupules, c'est à dire 1/72° de livre. Bientôt, dans les comptes courants, le nom de livre finit par passer à ce nombre 1/72°, comme représentant l'unité étalon : cet usage vint évidemment de ce que les monnaies d'or n'étaient guère reçues qu'au poids, même dans les caisses publiques, on comptait par soixante-douzièmes toutes les sommes qui passaient sur les plateaux de la balance.
Les expressions auri pondus, solidos appendere, et non numerare, de même que celles d'argenti pondus, sont courantes dans les textes législatifs et montrent que, le plus souvent, on pesait les métaux précieux, même monnayé (cf. Cod. Théod.). A la vérité, en 334 un décret officiel fixe une somme en un nombre déterminé de solidi, mais l'irrégularité effective des exemplaires nous démontre qu' n pratique dans ce cas même on devait les peser. Ainsi s'explique-t-on qu'un certain nombre d'aurei et de solidi romains dépassent le poids normal et que ces pièces trop lourdes n'aient pas été rognées; l'irrégularité de leurs contours et les bavures même de la frappe ont, en général, éré respectées.
Les divisions du solidus furent le demi solidus ou semos, semissis, du poids théorique de 2,97 grammes, et le tiers de solidus ou triens, tremissis, du poids de 1,52 grammes. Le demi-solidus fut toujours assez rare et l'on peut se demander s'il a réellement existé dès le temps de Constantin. A titre d'exemple, nous en citerons un de Valentinien II au revers VICTORIA AVGVSTORVM, qui pèse 2,30 grammes; le triens du même empereur qui porte la même légende a le poids presque normal de 1,5 grammes. Mais le triens est fréquent depuis Constantin et son poids effectif varie de 1,50 grammes à 1,80 grammes; il est de plus en plus répandu au fur et à mesure que s'accentue la décadence de l'empire; chez plusieurs des peuples babares qui s'installèrent en Occident et frappèrent des monnaies d'or en imitation de celles des empereurs, le triens fut même la pièce la plus ordinaire.
A partir de Constantin, il n'est pas rare de rencontrer des médaillons d'or de 1 solidus ½, de deux solidi, de trois solidi, de quatre solidi, etc., qu'on distribuait comme des médailles commémoratives. C'était l'usage chez les romains de distinction, au IV° siècle, de faire des cadeaux de valeurs à des amis, à l'occasion de réjouissances de famille, d'un succès, d'une promotion ou d'un jour particulièrement heureux, par exemple le jour de l'entrée en fonction d'un consul. Ces présents consistaient souvent en un double sou d'or ou en pièces d'or d'un poids et d'un module plus élevé, ou enfin en médaillons d'argent : c'était la « sportula », les « apophoreta ».
Les énormes pièces d'or et d'argent des deux derniers siècles de l'Empire et aussi du commencement de la période byzantine rentrent dans cette catégorie de médailles commémoratives. Il y en avait qui pesaient jusqu'à une livre ¼ d'or ou 90 solidi; d'autres une livre ou 72 solidi; puis 56, 48, 40, 36 et 15 solidi. Un certain nombre d'exemplaire de ces grands médaillons nous sont parvenus; ils n'avaient pas de noms spéciaux. Les auteurs qui en parlent, comme Grégoire de Tours, par exemple, ne les désignent que par le chiffre qui indique leur rapport avec l'unité monétaire (« aureos etiam singularum librarum pondere ostendit », cf. Grégoire de Tours, VI, 2). La plupart d'entre eux sont encore munis d'une bélière de suspension ou sertis dans un encadrement qui prouvent qu'on les portait fixés à des colliers, comme des bijoux de grand luxe.
Certaines ordonnances impériales prescrivent aux autorités compétentes de veiller à la pureté du métal de la monnaie d'or; il ne semble pas, pourtant, si l'on s'en rapporte à l'examen des médaillers, que l'altération des pièces d'or ait été, avant le VIIème siècle, autre choses qu'une industrie peu répandue, exercée par des faux monnayeurs. Vers le milieu du IVème siècle, commence à figurer dans les textes, à côté du sou d'or (solidus), du semis et du triens une autre monnaie appelée « siliqua auri », valant 1/24° du solidus ou 1/1728° de la livre d'or. Mais il n'a jamais existé en or de pièces aussi petites : c'étaient des monnaies de compte, qui n'ont été réelles qu'en argent.
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