Rome comptait de nombreux collectionneurs d'objets artistiques, rares et précieux, et il n'est pas téméraire de supposer que les vieilles pièces ou les pièces étrangères, remarquables par leurs types aient fait l'objet des recherches des curieux.
Exemple de Camée Antique
Camée présentant Claude et Messaline dans un char tiré par des dragons. (Photo BNF). Dès l'Antiquité, les plus beaux objets d'art, dont les monnaies, étaient recherchés par les collectionneurs et les amateurs
P. Aemilius Scaurus, beau-fils de Sylla, avait un écrin de bagues et de camées, outre sa galerie de statues et de tableaux; Pompée et Jules César eurent aussi leurs dactylothèques; les somptueux jardins de Lucullus et de Salluste étaient peuplés de statues grecques; les places publiques et les palais de Rome étaient ornés d'oeuvres d'art amenées à grand frais des villes d'Orient. Si l'on en croit Cicéron, Verrès poussait la passion du collectionneur jusqu'à la plus cynique indélicatesse. Est-il déraisonnable, malgré le silence des auteurs, d'admettre que les belles médailles grecques, en raison des portraits illustres qu'elles représentent, ou des évènements et des légendes que rappellent leurs types, ont provoqué l'attention de ces amoureux des reliques du passé ? Les belles médailles de Syracuse, de Tarente ou de Métaponte n'ont-elles pu, aussi bien que les statères de Rhodes, passionner les curieux ? Puisqu'il s'est trouvé des artistes qui signaient les coins monétaires chez les Grecs, c'est qu'ils caressaient l'espoir de susciter, dans le public, des appréciateurs de leurs oeuvres, des amateurs de leur talent, soit dans le présent, soit même dans l'avenir.
Nous savons au surplus que les vieilles pièces étaient parfois, de préférence aux espèces circulantes, accordées par les princes à titre de récompenses honorifiques ou de libéralités dans les fêtes publiques. C'est ainsi que Suétone raconte qu'à l'occasion des Saturnales, Auguste distribuait au peuple, entre autres dons précieux, des monnaies de toutes sortes de coins, même des pièces à l'effigie des anciens rois ou des pièces étrangères (« numos omnis notae, etiam veteres regios, ac peregrinos »). On ne saurait prétendre, à la vérité, en s'appuyant sur ce texte, que les Romains du temps d'Auguste fussent, pour la plupart, des collectionneurs ou des numismates. S'ils recherchaient les anciennes monnaies, c'était pour les monter en bijoux ou les enchâsser dans les produits les plus précieux de l'orfèvrerie : tous les grands musées possèdent de ces médailles munies d'une bélière, percée d'un trou, entourée d'un cercle d'or d'argent plus ou moins orné.
Collier de Naix (BNF) : des monnaies d'or sont certies dans le collier
Au Cabinet des médailles, la patère de Rennes et le collier de Nasium en sont les spécimens les plus célèbres. Le jurisconsulte Pomponius fait allusion à cette mode romaine qui consistait à utiliser les anciennes pièces dans la parure comme des gemmes : « nomismatum aureorum vel argenteorum veterum quibus pro gemnis uti solent ».
Mais c'était bien évidemment à un autre sentiment, celui du collectionneur de curiosités, qu'obéissaient ces Romains dont nous parle Pline, qui recherchaient avec ardeur les pièces fausses, s'amusant même à les payer plus cher que les pièces authentiques : « Dans l'art du monnayage, dit Pline, on n'étudie que les falsifications; on porte sa curiosité sur un échantillon de faux deniers, et on l'achète au prix de plusieurs deniers de bon aloi ».
A vrai dire, aucune époque de l'histoire n'a été indifférente à ces médailles d'autrefois que le caprice des découvertes ou la persistance d'usages commerciaux livraient à l'examen de tous. La question de l'Evangile de saint Mathieu place dans la bouche du Christ : « Cujus est imago haec et supercritio », n'a jmais cessé d'être posée par les esprits éclairés de tous les âges. Même pour l'époque romaine, il n'est pas impossible de citer des exemples qui prouvent que les historiens savaient, au besoin, invoquer le témoignage des anciennes monnaies, tout aussi bien que les érudits modernes, pour établir la véracité de certains évènements. C'est ce que fait Vopiscus, un des faussaire de l'Histoire Auguste; le cas des monnaies qu'il cite est douteux, mais c'est sa démarche numismatique qui importe ici.
Enfin, à la dernière heure des temps antiques, Cassiodore, le ministre d'Odoacre, lègue aux siècles futurs l'idée de la science numismatique par cers prophétiques paroles : « Monetam facis de nostris temporibus futura saecula commorere », ce qui signifie « Les monnaies émises aujourd'hui témoigneront de notre époque dans les siècles futurs ».
Mais ces témoigagnes, si intéressants qu'ils soient, n'ont qu'un caractère épisodique et occasionnel. S'il y eut dans les temps antiques de véritables ouvrages sur les monnaies, leurs auteurs n'ont envisagé que le point de vue étroitement métrologique. Aristote, dans son histoire des Constitutions des cités grecques, traitait abondamment des rapports et des systèmes monétaires, mais il ne nous en est resté que quelques passages ou des définitions de certaines espèces, recueillis par des écrivains postérieurs. Les grammairiens alexandrins avaient aussi comparé entre eux les divers systèmes de poids et mesures et dressé des tableaux comparatifs où la monnaie avait sa place.
Il ne nous en est parvenu que des fragments recueillis par des compilateurs, scoliastes ou lexicographes des bas temps, dont les plus importants sont Julius Pollux, contemporain de Commode, saint Epiphane, Hésychius de Milet, Photius et Suidas. Dans la littérature latine, ce ne sont guère, non plus, que des définitions, des traditions populaires, des fragments métrologiques que nous glanons épars dans Varron, Festus, Pline, Volusius Maecianus, Isidore de Séville. Varron pourtant avait, dans deux ou trois ouvrages qui sont perdus, ses « Antiquitates rerum humanarum » et sa « Vita populi romani », inséré une histoire de la monnaie des Romains dont il cite lui-même quelques passages dans ces traités sur la langue latine et sur l'agriculture. A ces quelques lambeaux de textes et à ces courtes nomenclatures se réduit ce que nous osons à peine appeler la littérature numismatique de l'antiquité.
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