Exemple de tortue d'Egine (avers d'un statère d'Egine)L'île d'Egine fut, d'après la tradition, le premier des Etats de la Grèce d'Europe qui fit frapper une monnaie officielle. Cette tradition qui attribue à Phidon, roi d'Argos, l'honneur d'avoir, comme Servius Tullius à Rome, établi un système fixe de poids et mesures et fait frapper les premières monnaies d'argent à Egine qui dépendait de son royaume, se trouve confirmée par l'aspect primitif des plus anciens statères d'argent au type de la tortue.

D'après la légende, Egine reçut son nom d'Aegina, fille du dieu-fleuve Asopos qui arrose Phliasie (Pausanias, II, 20, 2; Apollod., III, 12, 6; Ovide, Métamorphoses, VII, 472). On croit généralement que cette fable poétise la colonisation primitive de l'île par des émigrants venus de Phlionte; toutefois, les Eginètes se considéraient comme des Argiens originaires d'Epidaure. Il est aussi certain que l'île d'Egine fut fréquentée par les vaisseaux phéniciens; ce fut sans doute à leur contact et en raison de la stérilité de leur sol que les Eginètes s'adonnèrent au commerce maritime et au petit colportage. Hérodote (II, 178), parle des relations des Eginètes avec l'Egypte; ils participèrent à la fondation de Naucratis et, vers 563, ils firent bâtir dans cette ville pour leurs nationaux un temple de Zeus. Leurs vaisseaux alimentaient tout le Péloponnèse des marchandises de l'Orient.

Tout porte à croire que l'origine des monnaies d'Egine est commerciale et non d'invention hiératique; ils nous font comprendre pour quelles raisons Phidon choisit Egine pour inaugurer sa réforme pondérale et son invention d'une monnaie officielle; ils nous expliquent comment le système pondéral éginète ou Phidonien se répandit aussi universellement dans le Péloponnèse et la plupart des îles égéennes : c'est qu'Egine était le centre commercial le plus important de la Grèce méridionale. La monnaie d'Egine se maintint comme le principal medium d'échange reconnu dans tout le Péloponnèse jusque vers la fin du Vème siècle. C'est ce que veulent exprimer les lexicographes quand ils définissent les tortues d'Egine, la monnaie du Pélopnnèse par excellence.

Localisation générale d'Egine en Grèce

Se trouvant à l'abri des invasions par suite de sa situation insulaire, Egine était non seulement un vaste emporium, c'était aussi le foyer d'un mouvement artistique bien connu dans l'histoire de l'art grec sous le nom d'Ecole Eginète. Il suffit de parcourir la liste des artistes éginètes depuis Callon, vers 530, jusqu'à Onathas, vers 490-460, et l'énumération de leurs oeuvres les plus renommées, pour se rendre compte de l'extraordinaire éclat de l'île d'Egine et de son rayonnement sur tout le Péloponnèse à l'époque qui nous occupe numismatiquement. Les célèbres sculptures du temple d'Aphaia, qui sont du milieu du VIème siècle et font la gloire des Musées de Londres et de Munich, constituent le fondement d'un des chapitres essentiels de l'histoire de l'art grec. On sait qu'elles représentent l'expédition des Eacides contre Troie, sous la conduite d'Athéna et le combat des Grecs et des Troyens autour du corps de Patrocle.

Au temps des conquêtes de la république romaine en Orient, la supériorité maritime et commerciale dans les mers de la Grèce appartenait, sans contestation, à Rhodes, alliée des nouveaux maîtres du monde. Le monnayage de Rhodes prit un énorme développement et eut pendant deux siècles environ la circulation la plus étendue et la plus générale. Les pièces rhodiennes de cet âge sont très communes, elles ont pour type, d'un côté la tête, vue de face et radiée, du Soleil, dieu protecteur de l'île et auteur mythique de ses premiers habitants, de l'autre, le symbole parlant de la rose.


Exemple de drachme de Rhodes

ILES DE CARIE, RHODES, ville de Rhodes, AR didrachme, 250-230 av. J.-C. Droit : Tête radié d'Hélios de face, légèrement tournée vers la droite. Revers : Rose avec bouton. Au-dessus, TIMOΘEOΣ. A gauche, therme à gauche. En bas, P-O. Ref.: SNG Finland 540; BMC 150. 6,78g. Photo Jean Elsen & ses Fils S.A. Estimation : 300 €

Leur poids est taillé sur le pied de la drachme asiatique de 3,250 grammes; la série des multiples et des subdivisions comprend des tétradrachmes de 13 grammes en moyenne, des didrachmes de 6,500 grammes, des drachmes, des dioboles, trihémioboles et oboles. On comprend facilement que la grande circulation des monnaies de Rhodes à l'époque que nous avons indiquée, circulation qui avait commencé déjà antérieurement, ait fait donner alors le nom de drachme rhodienne à 1unité de 3,250 grammes à 3,200 grammes. Festus dit : « Talentum... rhodium et cistophorum quator millium et quingentorum denariorum ». Ici « denarius » désigne certainement le denier le plus ordinaire de la république, égal à la drachme attique. Or, 4,500 drachmes attiques, au taux normal de 4,260 grammes, font un poids de 19,170 kilos, tandis qu'un talent ordinaire, ou de 6,000 drachmes, ayant pour base une unité de 3,200 grammes, se trouve être de 19,200 kilos. Il n'y a qu'un écart de 30 grammes sur plus de 19 kilogrammes. Bien souvent les auteurs anciens, dans leurs comparaisons de talents les uns avec les autres, sont loin de fournir des approximations aussi exactes.

Carte de localisation de Rhodes en Méditerranée Orientale

Parmi les monnaies grecques les plus connues, il faut ranger les « chouettes » d'Athènes. C'était le nom populaire des monnaies d'argent d'Athènes, qui ont pour type constant, au revers, la chouette d'Athéna debout sur une amphore couchée. Athènes fabriquait ses espèces avec l'argent extrait des fameuses mines du Laurium. Aristophane dit plaisamment que les chouettes font leur nid dans les bourses (Aristophane, Les oiseaux, vers 1106). On lit encore dans Lucien : « Un proverbe dit : « Des chouettes à Athènes ! » pour montrer combien il est ridicule de porter des chouettes dans une ville où elles abondent (Lucien, « Nigrinus », au début).

Exemple de 3 revers de tétradrachmes d'Athènes « à la chouette ».

Exemple de 3 revers de tétradrachmes d'Athènes « à la chouette ». Sur ces revers, la chouette est posée sur une amphore couchée. Vente CNG 60. Prix réalisé : 430 USD

Exemple de tétradrachme d'Athènes à la chouette, frappé après 449 avant JC

Exemple de tétradrachme d'Athènes à la chouette, frappé après 449 avant JC. 17,07 grammes. A/ Tête casquée d'Athéna à droite. R/ Chouette tournée vers la droite. SNG Copenhagen 31.Vente CNG 61 – Prix réalisé : 460 USD

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On donnait dans l'antiquité le nom d'Alexandres aux monnaies frappées par Alexandre le Grand, en or, en argent et même en bronze. Le lexicographe Pollux les Alexandres parmi les monnaies d'or les plus populaires, à cause de leur bon aloi. Le type des statères d'or d'Alexandre sont, au droit, la tête d'Athéna, et au revers la Victoire tenant une couronne et la stylis d'un navire; leur poids est de 8,60 grammes. Il y a quelques distatères et les subdivisions normales du statère.

 

Exemple de tétradrachme d'argent d'Alexandre le Grand

Exemple de tétradrachme d'argent d'Alexandre le Grand, qui fut la monnaie la plus répandue de toute l'antiquité. ROYAUME DE MACEDOINE, Alexandre III le Grand (336-323), AR tétradrachme, 336-323 av. J.-C. Macédoine. Droit : Tête d'Héraclès à droite, coiffé de la dépouille de lion. Revers : AΛΕΞΑΝΔPOY Zeus aétophore assis sur un trône à gauche, jambes parallèles, tenant un long sceptre. A gauche, large foudre. Photo Jean Elsen et ses Fils.

Les tétradrachmes d'Alexandre ou « Alexandres d'argent » furent la monnaie la plus répandue de toute l'antiquité. Zénon les vante comme argéables à la vue et gravés à des types élégants. « Ces pièces eurent tant de succès que toutes les villes grecques soumines ou non soumises à Alexandre en frappèrent, depuis l'Epire jusqu'aux bords de l'Indus, et depuis le Bosphore Cimmérien jusqu'à l'Egypte ». Cette fabrication dura en Thrace jusqu'au second siècle avant notre ère, et en Asie Mineure jusqu'à la bataille de Magnésie en 189 avant JC et la conquête romaine.

Les monnaie du type « Philippes » sont fréquemment citées dans la littérature antique, mais aussi sur les inscriptions lapidaires. Diodore de Sicile, Pollux, Plaute ou encore Tite Live en parlent dans leurs oeuvres. On trouve aussi des monnaies du type « Philippes » mentionnées dans le Corpus des inscriptions grecques, par exemple dans les comptes des hiéropes de Délos (cf. Bull. Corr. Hell., t. VI, 1882, p.131) ou encore dans les Comtpes du Temple d'Eleusis (id., t. VIII, 1888, p.198). Il s'agit en fait des statères d'or de Philippe II de Macédoine, père d'Alexandre le Grand.

Exemple de statère de Philippe II de Macédoine.

Royaume de Macedoine. Philippe II (359-336), AV statère, vers 340-328 av. J.-C. Pella. Droit : Tête l. d'Apollon à droite. Revers : ΦΙΛΙΠΠOY Bige au galop à droite. Sous les chevaux, un bouclier de profil. Ref.: Le Rider, 390; SNG ANS 162. 8,50g. Photo Jean Elsen & ses Fils. Estimation : 3500 euros

Ils ont, au droit, pour type, la tête laurée d'Apollon d'Ichnae, et au revers le bige qui rappelle la victoire de Philippe aux jeux olympiques; leur poids est de 8,60 grammes, dépassant par conséquent de 20 centigrammes le poids de la darique. Mais l'habitude chez les grecs de donner le nom de « darique » aux pièces d'or était si invétérée que le terme de « philippe » ne s'imposa pas tout de suite; les nouvelles pièces d'or étaient parfois appelées « les dariques de Philippe », pour les distinguer des dariques asiatiques sensiblement plus légères.

L'histoire des monnaies grecques antiques peut être divisée (de même que la plupart des autres formes d'art grec) en trois périodes : la période Archaïque, la période Classique et la période Hellénistique. La période archaïque s'étend depuis les commencements du monnayage dans le monde Grec vers 600 avant JC, et s'arrête au moment des guerres Perses, vers 480 avant JC. La période Classique de monnayage grec commence alors et s'interrompt lors des conquêtes d'Alexandre le Grand, vers 330 avant JC. A ce moment commence la période Hellénistique, qui s'étend jusqu'à la conquête romaine au Ier siècle avant notre ère. Les cités grecques continuent à produire leurs propres monnaies sous la domination romaine jusqu'au IIIème siècle après JC. On désigne ces monnaies sous le nom de « Monnaies Provinciales Grecques ».
 

Présentation des monnaies grecques antiques de la période archaïque


Monnaie archaïque grecque en electrum

Monnaie archaïque en électrum de Lydie (6ème siècle avant JC. Il s'agit d'une des plus anciennes monnaies grecques antique.

Les monnaies ont été inventées dans le royaume de Lydie, qui correspond à l'actuelle Turquie occidentale, vers 650-600 avant JC (la monnaie a été également inventée de façon indépendante en Chine et en Inde vers 600 avant JC). Une importante source du métal utilisé pour frapper les monnaies était la rivière Pactole aux environs de la ville de Sardes ou des dépots aurifères alluvionnaires étaient mélangé à hauteur de 40% avec de l'argent et du cuivre; le métal obtenu est qualifié d'électrum (mélange d'or et d'argent). La plus ancienne monnaie a été frappée en electrum et comportait environ 55 % d'or contre 45 % d'argent; ces monnaies renferment environ 1 à 2 % de cuivre. Les plus anciennes pièces ne sont que des pastilles de métal non gravées, ou qui présentent seulement des stries sur une de leurs faces et un poinçon sur l'autre face. Le monnayage d'électrum s'est répandu dans les cités indépendantes de l'Ionie, sur la côte Egéenne en très peu de temps.

Depuis le VIIème siècle avant JC, des millions de types de monnaies ont été frappés. La plupart de ces pièces n'ont pas été signées par leurs auteurs. Pourtant, cette pratique qui consiste à signer une monnaie de son nom, de la même manière qu'un grand maître de la peinture signerait un tableau, a été pratiquée très tôt par les graveurs de monnaies grecques. Naturellement, c'est la qualité exceptionnelle du travail de ces graveurs qui leur a donné la possibilité de signer leurs oeuvres. Nous donnons ici un bref aperçu de cette pratique et quelques exemples de monnaies grecques signées par leurs auteurs.

Les signatures relevées sur les médailles grecques de la plus belle époque nous permettent de soulever un coin du voile de la vie si obscure des graveurs, en nous montrant les plus renommés d'entre eux concourant à l'envi pour les mêmes sujets, comme si un thème officiel leur eût été imposé d'avance pour une exposition publique; ou bien, appelés, parfois loin de leur patrie, par des villes diverses qui se disputent leur talent et sollicitent leur burin. De Syracuse, par exemple, Evenète passe à Catane, à Camarina, à Rhégium; Proclès travaille pour Catane et Naxos; Aristoxène pour Métaponte et Héraclée; parfois même, deux artistes collaborent à la gravure d'une même pièce. Bref, en rapprochant, dans nos médaillers, ces joyaux sans prix, qui portent les noms des Cimon, des Evenète, des Eucleidas, des Eumènes, des Phrygille, des Exakestidas et de trente autres, il nous est loisible de comparer et discuter leur manière, leur style, leur mérite réciproque, en un mot, comme nous jugeons les oeuvres que nos artistes contemporains exposent dans les salons.

Quelques exemples de monnaies grecques signées

Exemple de monnaie grecque signée : tétradrachme de Syracuse signé Phrygillos et Euarchidas

SICILE, Syracuse. Deuxième Democratie. 466-405 av. JC. AR Tetradrachm (17.24 g, 8h). Coins signés par Phrygillos and Euarchidas. Frappé vers 415-405 BC. Estimation : $2000. Vendue 4500 USD le 12 septembre 2700 (CNG, Mail Bid Sale 76)