Dans son "Traité des monnaies grecques et romaines", paru en 1907, E. Babelon évoque les principales découvertes de monnaies grecques archaïques faites en Occident. Il présente rapidement les principaux trésors et dépôts de monnaies connus à son époque, après avoir exposé quelques notions préliminaire sur le monnayage grec primitif d'Occident. Parmi les dépôts de monnaies et trésors cités, il évoque le trésor d'Auriol, dont la découverte fit sensation à l'époque, mais aussi les trouvailles de Saint-Rémi de Provence, de Cavaillon, ainsi que celles de Volterra et de Vélia en Italie, mais encore les trésors de Pont de Molins, près de Figueras (Espagne), de Morella (Valence, Espagne) et les trouvrailles de Rosas et d'Ampurias (Espagne). Ce parcours numismatique le long des côtes de la Méditerranée Occidentale a quelque chose de fascinant : on imagine ces colons grecs, déjà très civilisés, installant leurs comptoirs commerciaux sur des rivages vierges et commerçant avec les pleuplades encore primitives de l'arrière-pays...
Notions préliminaires à propos des monnaies grecques primitives
A maintes reprises dans le présent volume, il a été parlé des monnaies grecques primitives qui ont été découvertes, depuis une cinquantaine d'années, en Egypte, dans le delta du Nil, en particulier sur l'emplacement de la colonie de Naucratis. Nous avons constaté que ces monnaies pouvaient se partager en deux grandes catégories : 1° celles qui appartiennent aux villes d'Asie-mineure, des côtes de la Grèce propre, de la Macédoine et de la Cyrénaïque, et que le négoce maritime transporta dans la basse Egypte : rien, en dehors du lieu des trouvailles, ne distingue des monnaies de celles qui furent, de tout temps, recueillies sur l'emplacement même des villes où eurent lieu les émissions; - 2° les monnaies de style barbare, imitées des précédentes pour les types, mais dont le poids est irrégulier et la fabrique grossière : celles-ci, dont la conservation est généralement meilleure que celle des pièces de la première catégorie, sont de fabrique indigène. C'est en vain que, déconcertés par l'irrégularité du poids et la barbarie des types, certains numismates ont cherché à déterminer et à préciser l'origine grecque d'un semblable monnayage. Il faut l'imputer aux colons grecs de Naucratis ou d'autres factoreries, qui l'ont fabriqué pour leur usage propre et leur commerce avec les indigènes et les colonies voisines, se bornant à imiter celui qui leur était apporté des pays lointains d'où ils étaient eux-mêmes originaires.
Les trouvailles de monnaies grecques dans le bassin occidental de la Méditerranée vont nous permettre des constatations analogues; elles offrent les mêmes caractères, c'est-à-dire que nous y signalerons des monnaies apportées de la Grèce et de l'Asie-mineure par le commerce maritime, et, en plus grand nombre, des monnaies fabriquées en Occident même par les colons, pour leurs transactions journalières, mais de style souvent barbare et de poids irrégulier. Déjà, la trouvaille de Messine nous a montré les émigrants de Samos apportant de leur mère patrie des monnaies au type du mufle de lion, et en même temps frappant à ce même type national des pièces dont le style est très inférieur et le poids tout différent de celui de la métropole. Il en fut de même partout, et, en particulier, pour le numéraire dont usèrent les colons Phocéens installées à Vélia, à Pise, à Massalia, à Emporiae, et sur d'autres points des côtes de la Méditerranée Occidentale.
Prenons Massalia comme exemple. Fondée vers l'an 600 par des Grecs de Phocée qui émigrèrent pour échapper à la domination lydienne [voy. L. de la Saussaie, "Numismatique de la Gaule Narbonnaise", p. 50 et suiv.; JA Blanchet, "Traité des monnaies gauloises", p. 226; Fr. Lenormant, "A travers l'Apulie et la Lucanie", p. 226; Michel Clerc dans la Revue des Etudes grecques, t. XVIII, 1905, p. 143 et suiv. (M. Clerc s'efforce de démontrer que Massalia dut sa fondation à une seule migration de Phocéens, entre 600 et 594, et que la seconde migration qui se serait produite après la chute de Phocée sous les coups des Perses, en 540, n'eut pas lieu). Voyez ausi, sur les origines de Massalia, Michel Clerc, "Euthyménès et Pythéas" (Marseille, 1906); "les premières explorations phocéennes dans la Méditerranée occidentale", dans la Revue des Etudes anciennes, t. VII, 1905, p. 329; C. Jullian, "La thalassocratie phocéenne", dans la Revue des Etudes anciennes, t. V, 1903, p. 317], elle ne cessa d'entretenir les relations commerciales les plus actives non seulement avec sa métropole, mais avec les autres villes de l'Ionie, et en général avec les principaux ports du bassin de la mer Egée, ainsi qu'avec Corinthe, Corcyre, la colonie phocéenne de Vélia en Lucanie, et les autres établissements grecs de l'Italie méridionale et de la Sicile. Il va de soi que les marchands apportèrent aux bouches du Rhône le numéraire cosmopolite dont ils se servaient dans leurs affaires. C'est ainsi qu'on a déterré à l'état isolé, à Marseille, surtout lors de la construction du nouveau port, de petites monnaies provenant de l'Asie-mineure, surtout de Phocée et de Lesbos, d'autres qui étaient d'origine égéenne ou même italiote (Des travaux récents et des fouilles archéologiques exécutés à Marseille, près de la place de Lenche, sur la butte de la Tourette, ont aussi amené la découverte des monnaies grecques apportées par le commerce, aux époques les plus diveres. Michel Clerc et G. Arnaud d'Agnel, "Découvertes archéologiques à Marseille" (1904), p. 97; JA Blanchet, "Traité des monnaies gauloises", p. 181). Il en a été trouvé aussi dans les environs de Marseille et sur divers points de la côte de Provence; on a, de même, recueilli des monnaies grecques sur certains parages de la côte d'Italie, où accostaient les navires phocéens ou autres, par exemple, à Vélia et en Etrurie, ainsi que le long de la côte d'Espagne. Mais outre ces trouvailles de pièces isolées, plusieurs trésors composés de pièces du même genre ont été mis au jour : notamment à Vélia, en Lucanie, à Volterra, en Etrurie; en Espagne, près de Rosas et d'Ampurias, à Morella, dans la province de Valence et au Pont de Molins, près de Figueras; le plus considérable de ces dépôts est celui qu'on désigne sous le nom de "Trésor d'Auriol", près de Marseille. Or, l'examen détaillé de tous ces trésors trop hâtivement dispersés, autant qu'on peut le faire aujourd'hui, permet d'y constater l'existence des deux catégories de pièces que nous avons définies tout à l'heure : les unes, généralement assez frustes et ayant beaucoup circulé, doivent être classées aux villes grecques dont elles sont originaires : les plus nombreuses de cette catégorie sont de Phocée et de Mytilène dans l'île de Lesbos; or, c'est de ces villes qu'étaient originaires les colons de la Méditerranée occidentale, et nous savons que Phocée et Mytilène étaient commercialement et monétairement associées.
L'autre catégorie, de beaucoup la plus considérable, se compose de pièces d'argent qui ne sont que des imitations des premières; nous y retrouvons même assez souvent les types des hectés d'electrum que Phocée et Mytilène frappèrent en association et en si grande abondance durant la plus grande partie du Vème siècle.
Ces imitations sont parfois irrégulièrement étalonnées; elles sont le plus souvent à fleur de coins, c'est-à-dire n'ayant presque pas circulé; leurs types, tantôt se rapprochent assez habilement du prototype originaire, tantôt s'en éloignent de telle sorte que l'image initiale est presque méconnaissable; il est même quelques pastilles informes et sans types, analogues à celles de l'Egypte, et qui restent les témoins attardés de la période durant laquelle les métaux s'échangeiant à l'état de lingots.
On comprendra, en présence de ces constatations qui seront précisées par notre description et que l'on contrôlera mieux encore par l'examen de nos planches, qu'il soit difficile de répondre à cette question souvent posée : quelles sont les premières monnaies de Marseille ? Il faut évidemment les reconnaître dans ces pièces d'imitation qui forment la seconde catégorie; voilà le monnayage fabriqué sur place par les colons grecs d'Occident. Mais ces pièces ne portent pas de types spéciaux puisqu'elles ne sont que des pastiches de monnaies grecques d'origines diverses : c'est par là que s'explique la multiplicité et la variété de leurs types; d'autre part, elles sont anépigraphes. Ce n'est qu'à une époque relativement tardive, un peu avant le milieu du Vème siècle, que la colonie de Massalia frappe officiellement un numéraire qui a sa marque distinctive très caractérisée : je fais allusion aux petites pièces d'argent qui ont, au droit, une tête de femme (Artémis ?), les cheveux striés et granulés, et au revers un crabe accompagné de la lettre M, initiale du nom de la ville (H. de La Tour, "Atlas des monnaies Gauloises", pl. II, n°510, 511; JA Blanchet, "Traité des monnaies gauloises", t. I, p. 227, fig. 73) : le style de ces pièces les place dans le Vème siècle avancé et nous n'avons pas à nous en occuper dans le présent volume. Nous nous bornerons donc à l'examen des trouvailles qui se rapportent, dans leur ensemble, à la période antérieure.
L'autre catégorie, de beaucoup la plus considérable, se compose de pièces d'argent qui ne sont que des imitations des premières; nous y retrouvons même assez souvent les types des hectés d'electrum que Phocée et Mytilène frappèrent en association et en si grande abondance durant la plus grande partie du Vème siècle.
Ces imitations sont parfois irrégulièrement étalonnées; elles sont le plus souvent à fleur de coins, c'est-à-dire n'ayant presque pas circulé; leurs types, tantôt se rapprochent assez habilement du prototype originaire, tantôt s'en éloignent de telle sorte que l'image initiale est presque méconnaissable; il est même quelques pastilles informes et sans types, analogues à celles de l'Egypte, et qui restent les témoins attardés de la période durant laquelle les métaux s'échangeiant à l'état de lingots.
On comprendra, en présence de ces constatations qui seront précisées par notre description et que l'on contrôlera mieux encore par l'examen de nos planches, qu'il soit difficile de répondre à cette question souvent posée : quelles sont les premières monnaies de Marseille ? Il faut évidemment les reconnaître dans ces pièces d'imitation qui forment la seconde catégorie; voilà le monnayage fabriqué sur place par les colons grecs d'Occident. Mais ces pièces ne portent pas de types spéciaux puisqu'elles ne sont que des pastiches de monnaies grecques d'origines diverses : c'est par là que s'explique la multiplicité et la variété de leurs types; d'autre part, elles sont anépigraphes. Ce n'est qu'à une époque relativement tardive, un peu avant le milieu du Vème siècle, que la colonie de Massalia frappe officiellement un numéraire qui a sa marque distinctive très caractérisée : je fais allusion aux petites pièces d'argent qui ont, au droit, une tête de femme (Artémis ?), les cheveux striés et granulés, et au revers un crabe accompagné de la lettre M, initiale du nom de la ville (H. de La Tour, "Atlas des monnaies Gauloises", pl. II, n°510, 511; JA Blanchet, "Traité des monnaies gauloises", t. I, p. 227, fig. 73) : le style de ces pièces les place dans le Vème siècle avancé et nous n'avons pas à nous en occuper dans le présent volume. Nous nous bornerons donc à l'examen des trouvailles qui se rapportent, dans leur ensemble, à la période antérieure.
1. Le Trésor d'Auriol
Dans le courant de février 1867, on trouva, au lieu dit "les Barres", à deux kilomètres d'Auriol, près de Marseille, un trésor de "2130 monnaies d'argent, toutes anépigraphes, dont 16 indéterminables à cause de leur mal venue à la frappe ou de leur frai, ou de leur mauvaise gravure, 98 à double type et 2017 ayant au revers un carré creux plus ou moins régulier" (Louis Blancard, dans la "Tribune artistique et littéraire du Midi", mars 1867, p. 271 (Marseille, 1867, in-8°); le même, "Mémoires de l'Académie des Sciences lettres et beaux arts de Marseille", années 1896-1899, Marseille, 1899, in-8°, p. 443 et suiv. Il règne une légère incertitude sur le nombre exact des monnaies de la trouvaille d'Auriol : M. Blancard dit tantôt 2137, tantôt 2130. Sur le trésor d'Auriol, voir surtout : A. Chabouillet dans la Revue des Sociétés Savantes, juillet-août 1869, p. 348-360 et 4eme série t,. X, p. 117 à 127; 5eme série, t. II, 1870, p. 420 à 421; Revue numismatique, 1874-1877, p. 164; E. Hucher, dans les "Mélanges numismatiques", t. I p. 12; J Laugier dans la Revue de Marseille et de Provence, 1886, p.338; L. Blancard, "Le trésor d'Auriol", Marseille, 1870, in 8°; E. Muret, "Catalogue des monnaies gaulosies de la bibliothèque nationale", p. 1 à 9, n°1 à 473; H. de la Tour,"Atlas des monnaies gauloises" (Paris, 1892, in-fol). Pour la bibliographie complète, voyez A. Blanchet, "Traité des monnaies gauloises", p. 545).
Les pièces étaient renfermées dans un vase en terre recouvert d'une pierre plate; elles paraissaient de style grec archaïque : "Où avaient été frappées ces énigmatiques monnaies ? Avait-on là des spécimens du monnayage primitif de Marseille ou des villes de sa dépendance; ou bien, en raison de la diversité des types de ces monnaies, dont plusieurs présentaient des symboles des villes de l'Asie ou de la Grèce, fallait-il supposer qu'elles avaient été apportées par le commerce sur le sol de la Gaule grecque, soit en totalité, soit en partie ? (Chabouillet, Revue des Sociétés savantes, n° de juillet-août, 1867).
Telle est la question que se posèrent immédiatement les numismates, pendant qu'une partie de la trouvaille, comprenant un choix de presque toutes les variétés, entrait au Cabinet des Médailles et que le reste allait enrichir le médailler municipal de Marseille, le collection F. de Saucly et quelques autres médaillers privés. La trouvaille ne fut malheureusement pas étudiée dans son ensemble avant sa dispersion.
D'après ce que nous pouvons en juger, le dépôt d'Auriol a été enfoui un certain temps après 480, probablement vers 470. Les pièces les plus récentes sont celles qui ont, au revers, un type en creux analogue à certaines hectés d'électrum de Mytilène et de Phocée, dont l'émission ne débute qu'après 480.
Les pièces étaient renfermées dans un vase en terre recouvert d'une pierre plate; elles paraissaient de style grec archaïque : "Où avaient été frappées ces énigmatiques monnaies ? Avait-on là des spécimens du monnayage primitif de Marseille ou des villes de sa dépendance; ou bien, en raison de la diversité des types de ces monnaies, dont plusieurs présentaient des symboles des villes de l'Asie ou de la Grèce, fallait-il supposer qu'elles avaient été apportées par le commerce sur le sol de la Gaule grecque, soit en totalité, soit en partie ? (Chabouillet, Revue des Sociétés savantes, n° de juillet-août, 1867).
Telle est la question que se posèrent immédiatement les numismates, pendant qu'une partie de la trouvaille, comprenant un choix de presque toutes les variétés, entrait au Cabinet des Médailles et que le reste allait enrichir le médailler municipal de Marseille, le collection F. de Saucly et quelques autres médaillers privés. La trouvaille ne fut malheureusement pas étudiée dans son ensemble avant sa dispersion.
D'après ce que nous pouvons en juger, le dépôt d'Auriol a été enfoui un certain temps après 480, probablement vers 470. Les pièces les plus récentes sont celles qui ont, au revers, un type en creux analogue à certaines hectés d'électrum de Mytilène et de Phocée, dont l'émission ne débute qu'après 480.
2. Trouvaille de Saint-Rémy de Provence
Saint-éRémy est l'ancienne colonie massaliète de Glanum. Dans les années antérieures à 1834, on y exécuta des travaux qui amenèrent à la découverte sporadique d'un certain nombre de petites pièces d'argent archaïques, de style grec. Le marquis de Lagoy les publia en les considérant comme des échantillons du monnayage primitif de la colonie phocéenne de Massalia (Il y avait aussi, dans ces découvertes de pièces isolées, des monnaies de Massalia, d'époque plus récente. Lagoy, "Description de quelques médailles inédites de Massalia, de Glanum, des Coenicennes et des Auscii", Aix, 1834, in-4°); aussi, Revue numismatique, 1846, p. 85; F de la Saussaye, "Numismatique de la Gaule Narbonnaire", p. 9).
Ce savant remarque judicieusement que les trouvailles de pièces isolées qu'il a faites à maintes reprises à Saint-Rémy, à Marseille et dans les environs, prouvent, à n'en pouvoir douter, que ces pièces ont circulé de main en main parmi les colons grecs de la région. Mais cette observation juste n'entraînait pas, comme il l'a cru, la conclusion que toutes ces pièces étaient les produits de l'atelier de Massalia. Il fallait faire, d'après les principes indiqués plus haut, la distinction entre le numéraire importé d'Orient et celui d'imitation qui fut fabriqué sur place par les colons d'Occident
Ce savant remarque judicieusement que les trouvailles de pièces isolées qu'il a faites à maintes reprises à Saint-Rémy, à Marseille et dans les environs, prouvent, à n'en pouvoir douter, que ces pièces ont circulé de main en main parmi les colons grecs de la région. Mais cette observation juste n'entraînait pas, comme il l'a cru, la conclusion que toutes ces pièces étaient les produits de l'atelier de Massalia. Il fallait faire, d'après les principes indiqués plus haut, la distinction entre le numéraire importé d'Orient et celui d'imitation qui fut fabriqué sur place par les colons d'Occident
3. Trouvaille de Cavaillon
Comme à Saint-Rémy, on a ramassé à diverses reprises, à Cavaillon, notamment sur la colline Saint-Jacques, des monnaies primitives; mais à notre connaissance, il s'y est surtout rencontré des pièces du Vème siècle avancé et caractérisées comme monnaies massaliètes, c'est à dire portant en légende la lettre M ou MAEE. Je ne connais guère qu'une exception, pour une pièce à la tête de Pallas; il se peut qu'il y en eut d'autres, les trouvailles isolées ayant lieu dans toute la région et ne pouvant guère, à distance, être contrôlées.
4. Trouvaille de Volterra
En 560 ou 550, les Phocéens installèrent sur la côte de l'île de Cyrné (la Corse) leur comptoir d'Alalia (voyez, à ce sujet, les observations de M. Michel Clerc dans la Revue des Etudes Grecques, t. XVIII, 1905, p. 149 et suiv.); vers le même temps, ils s'établirent sur le littoral même de l'Etrurie, à l'embouchure de l'Arno, où ils fondèrent Pise (Fr. Lenormant, "A travers l'Apulie et la Lucanie", tome II, p. 299). Il n'est donc pas surprenant qu'on ait fait en Etrurie des trouvailles de monnaies semblables à celles des côtes de Provence et des environs des autres "emporia" phocéens. Outre ces trouvailles isolées sur la côte d'Etrurie, on a découvert à Volterra en 1868, un lot de 65 pièces d'argent de petit module, anépigraphes, analogues à celles d'Auriol et portant les mêmes types. Le Cabinet des médailles de Florence n'a pu malheureusement acquérir que quatre des pièces de cette trouvaille.
5. Trouvailles de Vélia
Il a été dit plus haut comment Vélia fut, comme Massalia, fondée par des colons Phocéens. Aussi a-t-on recueilli sur son emplacement, des pièces d'argent analogues à celles du trésor d'Auriol : ce sont en particulier des monnaies au type du lion dévorant sa proie; de bonnes raisons permettent de croire que les prototypes même de ces pièces sont les produits de l'atelier de Vélia.
6. Trouvaille du Pont de Molins, près de Figueras (Espagne)
En mai 1868, au lieu dit Pont de Molins, à trois kilomètres de Figueras fut découverte une urne contenant une grande quantité de petites monnaies d'argent, parmi lesquelles se trouvait une drachme de Cumes (Campanie), deux tétradrahcmes archaïques d'Athènes, un fragment d'un statère de Corcyre, quelques barres d'argent sans type et de petites pièces primitives analogues à celle d'Auriol.
7. Trouvaille de Morella
A Morella, dans la province de Valence, au commencement de l'année 1862, on a mis au jour un petit trésor de pièces d'argent archaïques comprenant des monnaies d'Emporiae, de Massalia, et d'autres archaïques, analogues celels d'Auriol; il y avait aussi des pièces de Massalia d'époque postérieur.
8. Trouvrailles de Rosas et d'A purias
La colonie dorienne de Rhoda (Rosas) fut fondée par des Rhodiens et des Cnidiens en 578; vers le même temps, des Phocéens s'installèrent à Emporiae (Ampurias). Sur l'emplacement et dans les environs de ces deux villes on a, à maintes reprises, découvert des monnaies parailles à celles d'Auriol et d'autres portant le nom des Massaliotes. Vers 1850, notamment, un lot imortant de petites pièces archaïques, trouvé dans les environs de Rosas, fut en grande partie acquis et publié par Joseph Gaillard ("Catalogue des monnaies recueillies en Espagne, 1844). Mais ces pièces ne fugureront pas dans la description qui va suivre parce qu'elles sont postérieures à notre point d'arrêt chronologique.
Conclusion : la hanse commerciale marseillaise
De toutes les trouvailles que nous venons d'énumérer, quelqu'imparfait qu'en ait été l'examen, il résulte que le même numéraire international alimentait le commerce d'une hanse commerciale englobant les comptoirs installés par les Phocéens sur les côtes de l'Espagne, de la Gaule, de l'Etrurie, et même de la Lucanie où il se rencontrait avec celui des villes de la Grande Grèce. Ce numéraire, nous le répétons, se composant de monnaies apportées d'Orient et surtout de monnaies fabriquées par les colons eux-mêmes en imitation des pièces envoyées par les navires dans les parages de la mer Egée, n'a pas de caractère local. Il ne s'individualise pas dans tel atelier plutôt que dans tel autre dont il portertait le différent spécial. Son origine cosmopolite explique la diversité de ses types, diversité qui a tant étonné certains numismates. Elle rend compte aussi de l'apparente diversité de taille des espèces qui le constituent. En effet, les pièces venues d'Orient ont naturellement la taille en usage dans les ateliers où elles ont été frappées. Nous y retrouvons des monnaies de Phocée et de Lesbos, de Milet, de Lampsaque, de Clazomène, d'Egine et d'ailleurs, avec le poids en usage dans chacune de ces villes; les monnaies d'imitation se répartissent, à leur tour avec plus ou moins de régularité entre ces divers systèmes. On constate que la très grande majorité des pièces sont imitées de celles de Phocée et de son associée Mytilène, les métropoles des colons phocéens, d'où elles se rattachent, soit aux divisions phocaïques pour l'argent (drachme, 4 gr. 20, obole, 0,70 gr. 60) soit aux division de l'étalon d'argent de Lesbos (drachme, 3,84 grammes); plus rares sont celles qui dérivent de l'étalon milésiaque (drachme, 3,65 grammes) et de l'étalon éginétique (drachme, 6 grammes). S'il règne parfois quelque incertitude dans la dénomination pondérale des pièces, il faut en accuser tantôt la barbarie de la frappe, tantôt la difficulté que nous éprouvons à répartir la menue monnaie entre les différents systèmes de taille, quand cette menue monnaie n'est pas appuyée par des divisions plus fortes, dont le classement représente naturellement plus de sécurité. Or, les trouvailles que nous allons décrire fournissent surtout l'obole avec ses multiples et ses divisions; la drachme même y est très rare et il n'y a point de coupures plus élevées. Comme dans toute l'antiquité, les trafiquants se servaient de cette menue monnaie dans des bourses pesées, bien plutôt qu'ils ne la comptaient à la pièce, sauf, sans doute, dans les petites paiements de la vie quotidienne.