De façon générale, on ne peut pas dire que les monnaies royales françaises soient faciles à déchiffrer et à comprendre. Après plusieurs siècles d'existence, elles sont assez souvent dans des états de conservation qui rendent leur lecture difficile, mais surtout elles sont un reflet de l'évolution de l'état historique, économique, culturel et technique du pays au fil du temps; elles portent donc des légendes le plus souvent écrites en latin avec des formes d'écriture aujourd'hui disparues, de nombreuses marques, des signes, des "différents", des symboles variés et de multiples particularités qui en font de véritables objets codés. Et c'est justement un des plaisirs du numismate que de décrypter les monnaies. Nous donnons ci-dessous quelques éléments qui permettent de décoder les monnaies royales.

Vidéo : Comment lire et comprendre une monnaie royale française

Aspect général des monnaies

Entre l'accession au trône du premier roi de France, Hugues Capet, en 987 après JC et la mort de Louis XVI, le 21 janvier 1793, huit siècles d'histoire monétaire se sont écoulés et de très nombreuses évolutions ont eu lieu. Les plus anciennes monnaies étaient frappées à la main, au marteau, sur de fines lamelles de métal dont l'épaisseur était toujours inférieure au millimètre.

Jusqu'au XVIIème siècle les monnaies étaient frappées à la main, au marteau
Jusqu'au XVIIème siècle les monnaies étaient frappées à la main, au marteau


Ces monnaies légères, les deniers et les oboles, se pliaient facilement et étaient constituées d'un mélange d'argent en faible proportion et de cuivre. Avec l'écoulement du temps, l'oxydation du cuivre a souvent transformé les monnaies qui étaient initialement blanches en monnaies noires.

Quelques monnaies royales du XIVème siècle. Les pièces noircissaient plus ou moins au fil du temps en fonction de leur teneur en cuivre
Quelques monnaies royales du XIVème siècle. Les pièces noircissaient plus ou moins au fil du temps en fonction de leur teneur en cuivre

Du fait de leur mode de fabrication artisanal, les pièces ont souvent une forme irrégulière et l'écrasement du métal lors de la frappe a pu provoquer des fissures sur les bords des monnaies. De plus, le double coup de marteau nécessaire à la fabrication des pièces les plus grosses provoquait parfois un "tréflage", c'est-à-dire un double marquage légèrement décalé de l'empreinte de la monnaie.

Monnaie tréflée d'Henri III (1574-1589)
Monnaie tréflée d'Henri III (1574-1589)

A partir du XIIIème siècle, des monnaies constituées d'argent et d'or font leur apparition parmi les monnaies royales françaises. Ces pièces d'une valeur élevée ont souvent été fabriquées avec beaucoup plus de soin que les petites monnaies noires destinées à l'usage quotidien du peuple. Ces monnaies devaient sortir des ateliers avec un poids bien calibré. Si le poids de la pièce était supérieur à la tolérance, les monnayeurs étaient autorisés à les limer pour ajuster leur poids. Aussi voit-on sur certaines monnaies des stries d'ajustage.

L'avers de ce Louis d'or de Louis XV présente des stries d'ajustage
L'avers de ce Louis d'or de Louis XV présente des stries d'ajustage

Sous le règne de Louis XIV, pour éviter les frais de fabrication de flans neufs, il est arrivé que de nouvelles monnaies soient frappées sur d'anciennes pièces : il s'agit de monnaies dites réformées. Mais la nouvelle frappe n'effaçait pas complètement l'ancienne empreinte et l'on voit ainsi des pièces qui sont comme un palimpseste : on devine l'ancienne monnaie sous la nouvelle.

Ce demi écu aux palmes de Louis XIV a été fabriqué en 1694 à partir d'un demi écu aux huit L dont on voit encore la trace.
Ce demi écu aux palmes de Louis XIV a été fabriqué en 1694 à partir d'un demi écu aux huit L dont on voit encore la trace.

Des monnaies malmenées par les rogneurs

Il faut rajouter qu'en plus de ces particularités de fabrication, les monnaies connaissaient souvent une utilisation très longue, ce qui entraînait une usure (le "frai") très importante. De plus de nombreuses monnaies ont été malmenées à l'époque par les changeurs, les billonneurs et autres rogneurs qui ont souvent gratté le flan des pièces pour en récupérer un peu de métal précieux. Si on rajoute à cela, pour certaines monnaies, un séjour de plusieurs siècles sous terre on comprend que de nombreuses pièces nous sont parvenues dans des états de conservation médiocres.

Liard au dauphin de Louis XI frappé en 1467. La pièce a été rognée, cisaillée et porte des marques d'usure très avancées
Liard au dauphin de Louis XI frappé en 1467. La pièce a été rognée, cisaillée et porte des marques d'usure très avancées

Sur un plan technique, l'évolution majeure dans la fabrication des monnaies est l'utilisation de la force mécanique qui a remplacé graduellement l'utilisation du marteau pour frapper les pièces. Les premiers essais d'utilisation de presses à balancier ont eu lieu sous le règne d'Henri II (1547-1559), mais c'est avec la fabrication des double-tournois de cuivre, à la fin du XVIème siècle, que commence véritablement la fabrication mécanisée des monnaies (voir Monnaies et Détections n°64, juin-juillet 2012, article "La monnaie royale française la plus commune : le double tournois").

Sous le règne de Louis XIV, 1643 à 1715, la frappe au balancier est généralisée à toutes les monnaies, qu'il s'agisse des Louis d'or ou des Ecus d'argent. Le résultat, c'est un immense progrès de la qualité des monnaies fabriquées : désormais, les pièces sont bien rondes et la force de la machine permet de fabriquer de grosses monnaies avec des légendes et des effigies parfaitement imprimées sur le métal.

Lecture des monnaies

Les monnaies sont frappées des deux côtés et portent toutes des légendes circulaires et des images dans le champ. La légende était généralement inscrite entre deux grènetis ou cercles linéraires. L'usage du grènetis ou du cercle linéraire intérieur a été abondonné à partir du XVIème siècle.

Teston d'Henri III (1574-1589). Le graveur commençait pas dessiner le grènetis extérieur, puis le grènetis intérieur avant de graver les lettres puis l'effigie du roi
Teston d'Henri III (1574-1589). Le graveur commençait pas dessiner le grènetis extérieur, puis le grènetis intérieur avant de graver les lettres puis l'effigie du roi

Ces cercles ont un rapport direct avec la fabrication des monnaies. Le graveur commençait en effet par tracer au compas le cercle extérieur, puis le cercle intérieur qui lui donnait les limites pour graver la légende avec des lettres de bonne hauteur et la figure centrale de la pièce dans le champ.

Comme on peut le voir sur la monnaie ci-dessous, au Moyen Age et jusqu'au règne de Louis XIII l'usage voulait que la légende commence en haut, après une petite croix ("croisette") ou un autre symbole.

Illustration : la croisette sur une monnaie royale

Sur certaines monnaies la légende commence en bas à gauche à partir du règne d'Henri II (1547-1559), l'axe étant occupé par la lettre de l'atelier. Sous Louis XIII, les légendes commencent au niveau de l'épaule du roi à l'avers et en haut sur le revers (voir par exemple le Louis d'or de Louis XV ci-dessus).

Ces légendes sont écrites en latin à l'exception des doubles tournois, monnaies produites en très grandes quantités et qui avaient pour but de populariser le portrait et le nom du roi. On voit aussi des légendes en français sur les monnaies constitutionnelles de Louis XVI.

On peut lire sur les légendes des monnaies le nom du roi suivi de son titre, par exemple sur la monnaie illustrée ci-dessus "LVDOVICVS REX", c'est-à-dire "Louis Roi". On peut remarquer qu'il n'y a pas de numéro d'ordre après le nom du roi ni de date, ce qui a longtemps compliqué l'identification de monnaies du Moyen Age : il existe plusieurs rois capétiens qui portent le nom de Louis ou de Philippe. Dans le cas des rois portant le nom Philippe, les pièces ont été différenciées par le dédoublement du L ou du P. Mais il faut reconnaître que l'apparition des numéros d'ordre des monarques à partir du règne de Louis XII, puis de François Ier, facilite grandement l'identification des monnaies.

Au XVIème siècle, il arrive que le numéro d'ordre des rois soit inscrit en chiffres arabes plutôt qu'en chiffres romains. Par la suite, les chiffres romains sont toujours utilisés. D'ailleurs, dans le cas des monnaies de Louis XIV, les monnaies portent "XIIII" plutôt que "XIV" (voir la monnaie de Louis XV ci-dessus).

Le titre du roi, "DEI GRACIA FRANCORVM REX", qui signifie "Roi des Francs par la Grâce de Dieu" est souvent abrégé : "D. G. FR. REX" sur les monnaies. A partir d'Henri IV, les rois de France sont aussi rois de Navarre, et leur titulature devient donc "D. G. FRANC(orum ou iae) ET NAVARRAE" : "Roi de France et de Navarre", ce nom étant généralement abrégé par l'expression "NAV". Après 1791, Louis XVI apparaît sur les monnaies avec le titre "Roi des François".

Le revers de cet écu d'or de François Ier porte la légende chrétienne XPS VINCIT, XPS REGNAT, XPS IMPERAT, qui signifie Le Christ vainc, le Christ règne, le Christ commande
Le revers de cet écu d'or de François Ier porte la légende chrétienne "XPS VINCIT, XPS REGNAT, XPS IMPERAT, qui signifie "Le Christ vainc, le Christ règne, le Christ commande

A l'exception des monnaies des XIIème et XIIIème siècles, les monnaies royales françaises portent au revers des légendes religieuses plus ou moins abrégées et rédigées en latin : "XPC ou XPS VINCIT, XPS REGNAT, XPS IMPERAT", ce qui signifit "Le Christ vainc, le Christ règne, le Christ commande", formule que l'on voit inscrite ainsi sur les Louis d'or (à partir de Louis XIII) : "CHRS REGN VINC IMP".

On lit également au revers de la plupart des monnaies royales la formule suivante : "BENEDICTVM SIT NOMEN DOMINI NOSTRI DEI IHV XHI", ce qui signifie : "Béni soit le nom de notre seigneur Jésus Christ". La formule, là encore, est abrégée selon les règles de la paléographie médiévale, par exemple avec la contraction des mots (NRI pour NOSTRI). Outre la légende mentionnée ci-dessous, les revers des monnaies portent également les phrases "SIT NOMEN DNI BENEDICTV" ("Béni soit le nom du Seigneur") ou encore, mais plus rarement sur des monnaies de Louis XIV notamment, "DOMINE SALVVM FAC REGEM" (Que Dieu protège le Roi).

Déchiffrer les écritures anciennes

Au cours de 8 siècles d'histoire, les monnaies royales ont enregistré l'évolution de l'usage de l'écriture, passant d'écritures romanes sous les premiers Capétiens aux écritures gothiques onciales (XIIIème-XIVème siècle), puis au gothique orné (XIVème siècle) et enfin au gothique décadent (XVème siècle), avant de se rapprocher à partir de la Renaissance et jusqu'au XVIIème siècle des formes d'écritures modernes.

Dans le tableau ci-dessous sont reproduites les lettres de l'alphabet et leurs évolutions en huit époques différentes telles qu'on peut les voir sur les monnaies (source : cf. bibliographie A. Dieudonné, page 52). Ce tableau constitue une aide précieuse pour déchiffrer les légendes des monnaies.

Tableau des lettres utilisées sur les monnaies. 1. Premiers Capétiens. 2. Epoque de l'écriture triangulaire. 3. Gothique oncial des XIIIème et XIVème siècles. 4. Gothique orné (XIVème siècle). 5. Gothique décadent (XVème siècle). 6. Louis XII. 7. Louis XIV. 8. Du XVIème au XVIIIème siècle.
Tableau des lettres utilisées sur les monnaies. 1. Premiers Capétiens. 2. Epoque de l'écriture triangulaire. 3. Gothique oncial des XIIIème et XIVème siècles. 4. Gothique orné (XIVème siècle). 5. Gothique décadent (XVème siècle). 6. Louis XII. 7. Louis XIV. 8. Du XVIème au XVIIIème siècle.

Apparition des dates sur les monnaies en 1549

Il n'y pas de dates sur les monnaies jusqu'au règne d'Henri II. C'est ce roi qui rendit obligatoire l'inscription du millésime sur les pièces par une ordonnance de 1549. De même que pour les numéros d'ordre des rois, on voit parfois les dates inscrites en chiffres romains mais généralement elles sont mentionnées en chiffres arabes. Il va sans dire que ces dates sont celles de l'ère chrétienne, sauf pour les années 1791 à 1793, qui sont datées de l'ère de la Liberté (an 3, an 4, an 5) voulue par la Révolution.

Différents, marques d'ateliers et autres points secrets...

Les quelques particularités des monnaies royales évoquées jusqu'ici doivent être complétées avec de multiples marques, symboles et points secrets que l'on peut lire sur de nombreuses pièces et qui, au premier abord, leur donnent un aspect un peu ésotérique...

Au Moyen Age, en particulier aux XIVème et XVème siècles, les rois de France ont souvent changé les types de monnaies. Il l'ont généralement fait pour renforcer les monnaies. Mais lorsqu'il était question de dévaluer les pièces, par exemple en abaissant la quantité de métal précieux qu'elles contenaient, ils se sont souvent contentés d'appliquer à la monnaie dévaluée une marque spéciale, que l'on nomme "le différent".

Le différent, comme son nom l'indique, servait à identifier deux émissions différentes d'un même type de monnaie. Les différents prennent diverses formes : il peut s'agir d'un croissant sous la croisette initiale de la légende, d'une étoile, d'un point marqué dans les O de la légende, d'un lis initial remplaçant la croisette, d'une changement de position des couronnelles dans le champ, des signes de ponctuation spéciaux intercalés dans les lettres de la légende... Bref, les graveurs et maîtres d'atelier ont ainsi inventé mille subtilés pour marquer les différentes émissions monétaires.

A partir du règne de Charles VI (1380-1422), les différences, au lieu de marquer les changements d'émisssions, commencent à devenir la marque particulière des ateliers de fabrication. C'est l'introduction de la date dans la légende sous Henri II en 1549 qui provoque la disparition des différents d'émission.

Les différents des Maîtres de la Monnaie apparaissent sous Louis XI et deviennent constants sous François Ier. Au XVIIème siècle les différents de graveurs se généralisent. On peut lire sous l'effigie du roi, au XVIIIème siècle, le différent du Maître de la Monnaie, tandis que le différent du graveur de la pièce se trouve contre la date.

Déchiffrer un double Louis d'or de Louis XVI

Il n'est évidemment pas possible d'expliquer ici en détail tous les différents qui ont été représentés sur les monnaies royales françaises depuis les origines... Aussi terminerons-nous cet article par le décryptage d'une monnaie de Louis XVI, un double Louis d'or frappé en 1786 dans l'atelier de Rouen.

Marques et différents sur un double Louis d'or de Louis XVI
Marques et différents sur un double Louis d'or de Louis XVI

Le millésime figure en chiffres arabes au revers, sur lequel on découvre également la lettre de l'atelier où a été fabriquée la pièce. Cette lettre, le B, correspond à l'atelier de Rouen. Le symbole du Maître graveur de Rouen qui était alors en fonction, Nicolas Antoine Belin, est un mouton qui se trouve avant le millésime. La légende de la pièce est celle que l'on peut voir sur les Louis d'or. Il s'agit de la formule "Le Christ règne, le Christ vainc, le Christ commande", écrite en abréviation.

A l'avers se trouve l'effigie du roi, entourée par la légende, qui contient son nom, son numéro d'ordre parmi les monarques de même nom, ainsi que sa titulature abrégée.

A la base du buste du roi on peut lire le nom abrégé du graveur général "DUVIV", Benjamin Duvivier. Sous le buste se trouve le différent du Maître de l'atelier de Rouen, l'agneau pascal, qui était alors la marque de Joseph Lambert. Enfin un point secret situé sous la troisième lettre de la légende indique que la pièce a été fabriquée au cours du second semestre de l'année 1786.

Satisfaction du déchiffrement

Dans l'ensemble, les monnaies royales françaises sont assez difficiles à lire et à déchiffrer. Leur aspect est souvent fruste en raison de particularités de fabrication et quand elles sont parfaitement lisibles, les monnaies sont pleines de signes secrets, de symboles, de noms, de différents. Déchiffrer ces signes permet de mieux comprendre les monn ies et leur place dans l'histoire. Ce déchiffrement apporte de grandes satisfactions et c'est sans doute ce qui rend les monnaies royales françaises si intéressantes à collectionner.

Sources et bibliographie

L'ouvrage d'A. Blanchet et A. Dieudonné, "Monnaies royales françaises depuis Hugues Capet jusqu'à la Révolution", par A. Dieudonné, Paris, Picard, 1919, est un ouvrage remarquable qui permet d'approfondir tous les points abordés dans cet article.

On consultera également avec profit les répertoires et catalogues de monnaies royales suivants, très utiles pour identifier les monnaies :

  1. Jean Duplessy "Les Monnaies Royales françaises de Hugues Capet à Louis XVI (987-1793)", 2 volumes, éditions Platt
  2. Stéphan Sombart, "Franciae IV. Catalogue des monnaies royales françaises de François Ier à Henri IV", édition les Chevau-légers, 1997
  3. Frédéric Droulers, "Répertoire général des monnaies de Louis XIII à Louis XIV (1610-1792)", éditions Nomis-Arts, France (5ème édition 2012)
  4. Victor Gadoury, "Les monnaies royales françaises, 1610-1792", éditions Victor Gadoury, 2012

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Le remarquable Trésor de Louis d’Or de Plozévet a été vendu au enchères en septembre 2021. Découvrez le résultat des ventes en vidéo !

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Le Trésor a été découvert en 2019 dans une maison achetée en 2012

Les Louis d’Or du trésor de Plozévet ont été vendus aux enchères à Saumur le 29 septembre 2021.

Ce trésor a été découvert en 2019 par un couple dans une maison achetée en 2012. Le trésor a été découvert pendant les travaux de restauration de la maison. Il est composé de 239 pièces d’or frappées sous les règnes de Louis XIII et Louis XIV. On a donc affaire à d’authentiques Louis d’or frappés sous l’Ancien Régime. La pièce la plus récente date de 1692, date de la cache du trésor. La pièce la plus ancienne date de 1632. 

Ce trésor correspond semble-t-il à l’épargne régulière d’un riche négociant. 

Le trésor ne contient que 2 écus d’or frappés au marteau sous Louis XIII, toutes les autres pièces sont des Louis d’Or frappés au balancier dans différents ateliers du Royaume. Pour rappel, les Louis d’or ont été frappés à partir de 1640. Ces pièces sont remarquables car elles ont été frappées au balancier, c’est-à-dire avec un procédé mécanisé qui a remplacé la frappe manuelle au marteau qui était utilisée depuis le Moyen Age pour fabriquer les pièces. 

Ce changement ne s’est pas fait sans difficultés car la corporation des monnayeurs était très conservatrice, et elle a freiné des quatre fers contre cette innovation technique qui a changé radicalement ses habitudes. 

La fabrication mécanique des pièces offrait la possibilité de fabriquer des pièces plus rondes et plus grosses que la frappe au marteau. Le procédé de fabrication au balancier était connu depuis le XVIème siècle mais il ne n’est imposé qu’au XVIIème siècle sous le règne de Louis XIII. Et encore le pouvoir royal a dû ruser pour arriver à ses fins.

Les Louis d'Or ont contribué au rayonnement de la Monarchie Absolue dans toute l'Europe

Les nouvelles pièces baptisées du nom des rois qui les ont fait frapper et qui portaient leur effigie, les Louis d’Or, ont été un très grand succès grâce à leur qualité de fabrication Ces pièces ont contribué au rayonnement de la Monarchie absolue dans toute l’Europe. Les Louis d’or ont été avidement thésaurisés, au détriment des pièces antérieures frappées au marteau. Le trésor de Plozévet en constitue un bon exemple, puisque manifestement les véritables Louis d’Or de Louis XIII et Louis XIV ont été privilégiés au détriment d’autres pièces (notamment les écus ou les pièces étrangères comme les pièces d’or espagnoles qui circulaient beaucoup en France à l’époque).

On note que les pièces ne portent pas de valeur faciale. C’est leur poids et leur taille qui les définit : il existe des demi Louis d’or, des Louis d’or, des doubles Louis d’or et même des quadruples Louis ainsi que de très grosses pièces de 8 Louis d’or et même 10 Louis d’or. 

Cependant, on ne trouve dans le trésor Plozévet que des demi Louis d’or, de simples Louis et des doubles Louis. Les plus grosses pièces, au-delà du double Louis d’Or n’ont été fabriquées qu’en très petites quantités et exclusivement à l’usage du roi, qui pouvait les donner pour services rendus à des proches ou qui pouvait s’en servir sur sa table de jeu. On parle de ces pièces comme des pièces de “plaisir”. 

Les pièces qui composent le trésor de Plozévet ne sont pas des pièces de plaisir mais elles ont toutes été fabriquées pour êtres mises en circulation. Leur valeur faciale n’est pas indiquée sur les pièces, mais, conformément à l’usage de l’Ancien Régime, elle était fixée par décret. 

Absence de valeur faciale sur les pièces : le roi pouvait dévaluer par décret sans refondre les pièces

Par exemple le Louis d’or de Louis XIV à la mèche longue avait cours légal pour 10 livres tournois. Pour rappel la livre tournois était le nom de la monnaie française avant son remplacement par le Franc sous la Révolution. L’absence de valeur faciale sur les pièces permettait au roi, si nécessaire, de dévaluer la livre tournois par décret sans avoir à refrapper toutes les pièces. 

Les pièces du trésor de Plozévet ont été frappées dans de nombreux ateliers monétaires différents. A l’époque en effet la fabrication monétaire n’était pas centralisée. On trouve ainsi des pièces frappées dans les ateliers de Paris, Poitiers, Limoges, Toulouse, Dijon, Reims, Rennes, Rouen, Bourges, Troyes, Aix, ou encore Amiens. 

Ces multiples ateliers fabriquaient des quantités de pièces plus ou moins importantes selon l’importance du commerce local. L’atelier monétaire le plus important du Royaume était l’atelier de Paris, puisque la capitale concentrait déjà les plus grandes richesses du Royaume. Selon leur lieu de fabrication, les Louis d’or sont donc plus ou moins rares. Les pièces fabriquées à Paris, qui portent la lettre d’atelier A sont généralement les moins rares.

Les particuliers portaient leurs matières en or à l’atelier monétaire, qu’il s’agisse de bijoux ou de monnaies de toutes origines (françaises ou étrangères) et les faisaient convertir en bon Louis d’Or en échange d’un impôt sur la fabrication monétaire qui portait le nom de Seigneuriage. 

Naturellement, le roi s’était arrogé le monopole de la fabrication monétaire au cours des siècles. Cela n'empêchait pas quelques faux monnayeurs de tenter leur chance. Mais ils risquaient gros : la peine de mort précédée le cas échéant du supplice de la roue. Contrefaire les monnaies du roi, qui représentaient son portrait, c'était en effet commettre un crime de lèse majesté. Sans parler de la protection des finances royales. “Touche pas au grisbi” ! comme aurait dit Audiard.

Les écus d’or de Louis XIII pèsent 3,4 grammes et ont un diamètre de 22 et 27 millimètres. Les demi Louis d’or pesaient officiellement 3,376 grammes, les Louis d’or 6,752 grammes et les double Louis d’Or 13,504 grammes. On observe quelques variations du poids des monnaies liées soit à la fabrication des pièces, moins précise qu’elle pourrait l’être qu’aujourd’hui pour des raisons techniques, soit en raison du “frai” c’est à dire de l’usure des pièces liée à leur circulation.

Les Louis d'Or ont un titre d'Or fin plus bas que les Ecus d'Or qui les ont précédé

Les Louis d’Or étaient fabriqués en or pur à 917 millièmes, ou 91,7 % si l’on préfère. Ce titre d’or fin correspond de l’or à 22 carats. Les pièces n’étaient pas fabriquées en or pur à 100% en raison de la fragilité de l’or. On ajoutait aux pièces un petit pourcentage de cuivre pour donner une plus grande résistance pour éviter une usure trop rapide liée à leur utilisation dans la circulation courante. On note que le titre d’or fin contenu par les écus d’or, qui ont précédé les Louis, est supérieur puisqu’il est de 958 millièmes contre 917 millièmes pour les Louis d’Or.

L’ensemble des pièces du trésor de Plozévet pèsent 1,584 kilo. On a donc un poids total d’or fin d’environ 1,453 grammes. La valeur métallique intrinsèque du trésor est donc d’environ 70500 euros. Mais le prix de vente de l’ensemble des pièces a atteint 830194 euro. Les Louis d’Or valent donc 11 fois plus cher que leur poids en or. On a ici l’illustration parfaite du fait que les Louis d’Or conservent toujours leur aura de pièces d’or iconiques françaises. Les Louis d’or ont toujours une valeur numismatique et patrimoniale très supérieure à leur valeur métallique intrinsèque. 

Il faut dire que les découvertes de trésors de Louis d’or de cette ampleur ne sont pas si fréquentes. Bien sûr le trésor de Plozévet est 14 fois plus petit que le trésor de Louis d’Or de la rue Mouffetard, découvert à Paris en 1938 et qui contenait pas moins de 3210 Louis d’Or…

Le trésor de Plovézet, un "petit trésor" ?

Mais quand même ce “petit trésor” entre guillemets est remarquable. Il était initialement estimé à 250000 à 300000 euros. Mais cette estimation a été dépassée, elle a été multipliée par 3. Si l’on ajoute les frais de vente, les acheteurs ont dépensé pour plus d’un million d'euros pour s’offrir un ou plusieurs Louis d’Or…

Il faut dire que le commissaire priseur a assuré une bonne publicité à ce trésor remarquable. L’Etat lui-même a préempté 18 pièces. Les inventeurs du trésor en ont conservé 4. 

Le prix de vente moyen s’élève à 3522 euro par pièce (hors frais). 

Les deux pièces les plus chères ont été vendues pour 46000 euros chacune. Il s’agit d’un Louis d’or à la croix des Templiers frappé en 1640 à Paris et d’un Double Louis à la mèche longue frappée à Dijon en 1646. 

La pièce la moins chère est un écu d’or de Louis XIII frappée à Amiens en 1638. Cette pièce a été vendue pour 1250 euros hors frais. Selon leur état et leur atelier, les simples Louis d’Or de Louis XIII ou XIV se sont vendus généralement pour 2000 à 2500 euros hors frais… 

La vente aux enchères du trésor de Plozévet a été une belle réussite, qui a ravi tout le monde : les inventeurs du trésor bien sûr, qui n’attendait sans doute pas un tel “don du ciel”, les commissaires priseurs, et les collectionneurs qui ont pu enrichir leur collection avec de bonnes pièces d’or françaises… Sans parler de l’Etat qui récupère quelques pièces pour les collections publiques et qui ne manquera pas de prélever quelques impôts sur cette belle vente. 

Liens pour en savoir plus et pour acheter des pièces de monnaie de collection

Découvrez le trésor de Plozévet sur le site de l’Hôtel des Ventes d’Angers

Catalogue de Vente du trésor (format pdf)

Résultats de la vente du trésor de Plozévet

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Nombreux articles sur les Louis d’Or sur Sacra Moneta

La vidéo ci-dessous présente 2 pièces de monnaie royales françaises très rares. 

Vidéo : 2 pièces de monnaie royales françaises très rares

2 pièces frappées sous le règne d'Henri II

Les deux pièces de monnaie dont il est question sont des pièces en or frappées sous le règne du roi Henri II qui a régné entre 1547 et 1549.

La première pièce est un double Henri d’Or dit “à la Gallia” frappé à Paris en 1552. A l’avers on peut voir le buste du roi tourné à gauche. Il porte une couronne de laurier à la façon des empereurs romains et une cuirasse richement ornée.

Au revers on peut découvrir un motif inspiré directement des monnaies romaines antiques : il s’agit d’une allégorie de la Gaule assise sur un monceau d’armes et de boucliers. Cette image de Gallia porte une Victoire dans la main droite. C’est un motif qui a été fréquemment utilisé sur les monnaies romaines, qui représentaient une allégorie de Rome victorieuse, assise sur des monceaux d’armes prises aux ennemis. Dans la cas de la monnaie d’Henri II, ROMA est remplacée par GALLIA, c’est-à-dire une allégorie de la Gaule ou de la France si l’on préfère.

L’allégorie de Gallia est entourée par la légende OPTIMO PRINCIPI. Cette légende latine signifie “Le Meilleur des Princes”. Elle a été appliquée à l’origine dans la titulature et sur les monnaies de l’Empereur romain Trajan.

On voit donc qu’on a affaire à une pièce inspirée directement par l’Antiquité, ce qui est typique du XVI siècle, qui est le siècle de la Renaissance en France. C’est pendant la période de la Renaissance que l’on a commencé à représenter des portraits réalistes des rois. Jusque là le roi était représenté sous forme d’une image idéalisée.

Mais ce n’est pas tout. Cette pièce est remarquable par ses caractéristiques techniques. Il s’agit d’une pièce en or de 7,24 grammes et d’un diamètre de 28 millimètres qui a été frappé non pas à la main, au marteau, comme c’était l’usage depuis le Moyen Age, mais à l’aide d’un procédé mécanique nouveau à l’époque, la frappe au balancier.

Le balancier a fait son apparition en France en 1550. Son introduction fait partie de la politique monétaire ambitieuse du jeune roi Henri II qui après son accession au trône a réclamé d’obtenir son portrait “au naturel”. Il a alors confié au graveur général des monnaies Marc Béchot l’exécution de ce souhait.

Marc Béchot a fait venir un balancier de la ville de Nuremberg. Ce balancier qui a coûté pas moins de 3000 écus au roi a été installé à l'extrémité occidentale de l'île du Palais à Paris.

On parle de l’Atelier du moulin en raison du moulin à eau qui actionnait les différentes machines destinées à la fabrication des pièces de monnaie.

L’innovation technique de la frappe au balancier permettait de fabriquer des pièces bien rondes et plus grosses que les pièces frappées au marteau.

Hélas la corporation des monnayeurs très conservatrice a refusé cette innovation qui ne n’est imposée qu’un siècle plus tard avec les célèbres Louis d’Or. L’atelier du Moulin a été cantonné à la production de quelques rares pièces d’exception.

3 pièces en or à la Gallia ont été fabriquées : les Demi Henri à la Gallia, les simples Henri à la Gallia et les doubles Henri.

La pièce présentée ici est un double Henri. Cette pièce va passer en vente à Monaco les 20 et 21 octobre 2021. Elle est mise à prix pour 40000 euro. Une deuxième pièce encore plus rare, un demi Henri d’or passe également en vente aux enchères à Monaco les 20 et 21 octobre prochain. Cette pièce exceptionnellement rare manque aux collections nationales. Elle est mise en vente pour 70000 euro.

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Téléchargez gratuitement le Catalogue complet de la vente MDC Monaco n°8

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